Réponses Scénario Clinique N°10

Patient de 72 ans, diabétique type 2, sous trithérapie antihypertensive à fortes doses, PA en consultation 172/97 mmHg, bilan biologique normal, risque CV très élevé. MAPA réalisée — moyennes 24h : 158/109 mmHg, diurne 156/107, nocturne 166/116 ; charge tensionnelle élevée 100% jour/nuit ; profil reverse-dipper (chute nocturne −6%) ; FC nocturne élevée.

1. Définitions utiles

HTA résistante : PA non contrôlée malgré ≥ 3 classes antihypertensives (dont un diurétique) à doses optimales, ou contrôle nécessitant ≥ 4 classes.

Les guidelines européennes/ESC insistent sur la nécessité de confirmer l'hypertension persistante par une mesure hors consultation (ABPM/HBPM) afin d'éliminer la pseudo-résistance. (6)

2. Réponses aux Questions

Question 1 : Présence d'une HTA diurne et nocturne

Réponse : c. Présence d'une HTA diurne et nocturne

  • La PA Diurne est de 156/107 mmHg (Norme MAPA diurne : < 135/85 mmHg)
  • La PA Nocturne est de 166/116 mmHg (Norme MAPA nocturne : < 120/70 mmHg)
  • Les deux périodes montrent des valeurs largement au-dessus des seuils de normalité définis par l'ESC.
Justification : Selon les résultats de la MAPA affichés, les valeurs diurnes et nocturnes dépassent toutes les deux les seuils de normalité.
Question 2 : Profil reverse dipper

Réponse : a. Profil reverse dipper

  • La PA nocturne (166/116) est supérieure à la PA diurne (156/107)
  • La fluctuation notée est de -6%
  • Un ratio négatif définit le profil Reverse Dipper (ou "Riser"), associé à un risque cardiovasculaire très élevé
Justification : Le profil "Dipper" est défini par la baisse de la tension artérielle la nuit par rapport au jour.
Question 3 : FC nocturne élevée

Réponse : c. FC nocturne élevée

  • Dans le profil Reverse Dipper associé à un Syndrome d'Apnée du Sommeil (SAOS - suggéré par les ronflements et l'obésité), on observe typiquement une hyperactivation sympathique nocturne., on observe une hyperactivation sympathique nocturne
  • Cela se traduit par une absence de baisse physiologique de la fréquence cardiaque la nuit, voire une augmentation de celle-ci (non-dipping de la FC).
Question 4 : HTA résistante

Réponse : a. HTA résistante

  • Définition ESC : Une HTA est dite résistante lorsque la PA au cabinet (et confirmée par MAPA) reste non contrôlée malgré l'utilisation de 3 classes d'antihypertenseurs (incluant un diurétique) à doses optimales ou maximales tolérées.
  • Cas du patient : Il prend une trithérapie optimale (Olmesartan 40 + Amlodipine 10 + HCTZ 25), l'observance est confirmée ("bonne observance"), la "fausse" résistance (effet blouse blanche) est éliminée par la MAPA. Le diagnostic est donc une vraie HTA résistante.
Question 5 : HTA secondaire à SAOS

Réponse : b. HTA secondaire à Syndrome d'apnée obstructive de sommeil (SAOS)

  • Le profil Reverse Dipper est hautement évocateur d'un SAOS.
  • Le patient présente la triade clinique typique : Ronflements chroniques + Asthénie matinale + Obésité (IMC 30) + Céphalées.
  • Le SAOS empêche la baisse physiologique de la PA la nuit à cause des micro-éveils et de l'hypoxie intermittente stimulant le système sympathique.
Question 6 : Ajout de spironolactone et CPAP

Réponse : a. Ajout de spironolactone ou diurétique

Réponse : b. CPAP pour un meilleur contrôle tensionnel

Proposition (a) - Pharmacologique :

Nous sommes face à une HTA résistante confirmée (non contrôlée sous trithérapie optimale). Selon les recommandations de l'ESC, la 4ème ligne de traitement (Step 4) est l'ajout de Spironolactone (12,5 à 25 mg), qui a démontré sa supériorité sur les autres classes dans l'étude PATHWAY-2.

Note clinique : Avec une kaliémie à 4,9 mmol/L, l'ajout de spironolactone est autorisé (seuil limite souvent fixé à 5,0 mmol/L), mais nécessitera une surveillance biologique stricte de la kaliémie et de la créatinine après initiation.
Proposition (b) - Etiologique :

La polysomnographie confirme un SAOS. Le traitement par CPAP (Pression Positive Continue) est indispensable pour corriger l'hypoxie nocturne. Bien que la CPAP seule ait un effet modeste sur les chiffres tensionnels globaux, elle est cruciale pour rétablir le profil "Dipper" (faire baisser la pression nocturne) et réduire le risque cardiovasculaire lié au "Reverse Dipping".

Conclusion : La prise en charge optimale chez ce patient est multimodale : on traite l'hémodynamique (Spironolactone) et la cause ventilatoire (CPAP).

3. Rôle de la MAPA dans le diagnostic de résistance

  • Confirmer une HTA vraie : la MAPA permet de mesurer la PA 24h, d’éliminer l’effet blouse blanche et d’identifier l’HTA nocturne isolée ou la non-diminution nocturne (non-dipper / reverse dipper) — éléments fortement impliqués dans la résistance. (31)
  • Quantifier la charge tensionnelle (ici 100% = importante), confirmer que les valeurs 24h restent nettement au-dessus des seuils (ici 158/109 > 130/80). Ce résultat confirme une HTA véritable non contrôlée malgré traitement. (32)

4. Exclusion des causes de pseudo-résistance

Avant de poser le diagnostic définitif d'HTA résistante, il faut systématiquement rechercher :

  • Effet blouse blanche → éliminé ici par MAPA qui montre HTA 24h élevée (1)
  • Mauvaise observance → le dossier indique bonne observance ; si doute, mesurer la concentration médicamenteuse ou utiliser méthodes objectives. (1)
  • Erreur technique technique (mauvais brassard, mauvaise prise) → valider la validité de l’enregistrement (qualité 13% d’erreurs < 30% selon ton fichier), vérifier taille du brassard et technique.
  • Recherche d'une cause médicamenteuse
Conclusion : Les éléments ci-dessus rendent la pseudo-résistance peu probable et orientent vers une HTA résistante vraie.

5. Signes orientant vers une cause secondaire — focus SAOS

  • Le patient est obèse ayant des ronflements chroniques, somnolence possible (asthénie matinale), profil reverse-dipper et HTA nocturne marquée → évocateurs d'un SAOS, qui est souvent associé à HTA résistante. La littérature montre une forte prévalence du SAOS chez les patients obèses avec HTA résistante et une corrélation entre non-dipping/reverse-dipping et SAOS. (25)
Diagnostic le plus probable : (selon les données et l’absence de pseudo-résistance) : HTA résistante secondaire à un SAOS.

6. Implications pronostiques et thérapeutiques immédiates

Le fait d'avoir une HTA 24h élevée, une charge tensionnelle complète et un profil reverse-dipper augmente le risque CV et cible la nécessité d'un bilan étiologique et d'une optimisation thérapeutique rapide, avec recours aux spécialistes si besoin.

Les guidelines recommandent la vérification systématique des causes secondaires et le recours à des centres experts pour HTA résistante. (1)

7. Proposition de conduite à tenir (pragmatique, en 6 étapes)

  1. Confirmer observance et techniques : réinterroger, considérer dosage plasmatique si disponible ; vérifier taille du brassard et qualité de l'enregistrement. (1)
  2. Éliminer pseudo-résistance (déjà largement fait par MAPA dans ce cas). (1)
  3. Bilan étiologique ciblérechercher SAOS (polysomnographie ou polygraphie ambulatoire) en priorité vu les signes cliniques ; bilan rénal (créatinine déjà normale), bilan endocrinien si suspicion (aldostérone/cortisol/thyroïde) selon orientation. (32)
  4. Optimisation thérapeutique : réviser schéma (ajout d’un antagoniste des minéralocorticoïdes—spironolactone/eplerenone—sous contrôle, ou diurétique adapté ; privilégier combinaisons en comprimé unique quand possible). Les guidelines recommandent l’optimisation pharmaco et l’évaluation en centre spécialisé si besoin (1)
  5. Traitement du SAOS si confirmé : CPAP peut réduire la PA (souvent modeste mais cliniquement utile) et améliorer le contrôle tensionnel ; dans notre cas l’amélioration rapportée après assistance ventilatoire nocturne concorde avec la littérature. (33)
  6. Surveillance : répéter MAPA après optimisation thérapeutique et mise en place du traitement du SAOS pour objectiver la réponse (contrôle 24h, changement du profil nycthéméral). (1)

Synthèse pratique

  • • Insister sur la place centrale de la MAPA pour confirmer la résistance (éviter sur-traitement ou recours non justifié à explorations invasives).
  • • Dans le chapitre « HTA résistante », illustrer par ce scénario clinique : montre avant/après MAPA + intervention sur SAOS.
  • • Proposer une check-list à utiliser avant de diagnostiquer une HTA résistante (observance, technique, MAPA/HBPM, causes secondaires, review médicamenteuse). (1)

ÉVOLUTION

Amélioration clinique nette après l'introduction d'une assistance ventilatoire nocturne et la majoration du traitement antihypertenseur + RHD.

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