Réponses Scénario Clinique N°11

1. Justification de la MAPA

La MAPA permet l'enregistrement de la PA sur 24 heures dans les conditions de vie habituelles et constitue un outil essentiel pour :

  • Identifier les variations tensionnelles paroxystiques,
  • Différencier une HTA essentielle d'une HTA secondaire d'origine endocrinienne,
  • Établir une corrélation temporelle entre les symptômes et les pics tensionnels et surtout l'alternance cyclique entre hypertension et hypotension. (35)

2. Analyse des résultats de la MAPA

a. Moyennes tensionnelles

Les moyennes sur 24h diurne demeurent dans la norme (PA moyenne 130/90 mmHg éveillée, PA 24h 100/80 mmHg), éliminant une HTA essentielle permanente.

b. Pics hypertensifs majeurs et paroxystiques

La MAPA met en évidence des poussées tensionnelles brutales atteignant 205/120 mmHg, sans lien avec les périodes d'activité ou d'émotion.

Ces pics, réels et pathologiques, évoquent une sécrétion intermittente de catécholamines, typique du phéochromocytome. (36)

c. Variabilité tensionnelle

L'écart-type systolique (28 mmHg) reflète une variabilité tensionnelle très importante, signe indirect d'un mécanisme endocrine pulsatile. (37)

d. Profil nocturne

La chute nocturne absente (ΔPP -6%) témoigne d'un profil non dipper, voire "reverse dipper", fréquemment observé dans les HTA secondaires surrénaliennes. (35)

e. Fréquence cardiaque

Les pics hypertensifs sont accompagnés d'une tachycardie concomitante (jusqu'à 90 bpm), renforçant la suspicion d'une libération adrénergique paroxystique.

3. Diagnostic évoqué

Le profil tensionnel paroxystique, la grande variabilité tensionnelle et la corrélation symptomatique orientent clairement vers un phéochromocytome ou paragangliome (PPGL).

Les autres étiologies (hyperaldostéronisme, sténose de l'artère rénale, insuffisance rénale chronique) sont écartées par :

  • L'absence d'hypokaliémie,
  • L'absence d'HTA persistante,
  • Le caractère typiquement intermittent et explosif des poussées.

4. Confirmation diagnostique

Selon les recommandations de l'Endocrine Society (2023), le diagnostic repose sur :

  • Le dosage urinaire ou plasmatique des métanéphrines et normétanéphrines libres,
  • Complété par une imagerie surrénalienne (TDM ou IRM) pour localiser la lésion. (36)

5. Intérêt de la MAPA dans le diagnostic du phéochromocytome

Apports de la MAPA Description
Détection d'une HTA paroxystique Mise en évidence de pics tensionnels majeurs (205/120 mmHg) absents en consultation
Différenciation entre HTA essentielle et secondaire Variabilité marquée, absence de dipping nocturne, absence d'HTA soutenue
Corrélation clinique Synchronisation entre poussées hypertensives et épisodes de céphalées/palpitations
Profil dynamique personnalisé Permet une analyse tensionnelle contextualisée selon le rythme de vie
Orientation étiologique précoce Aide à suspecter un PPGL avant tout bilan hormonal spécifique

6. Conduite à tenir et prise en charge

a. Phase diagnostique
  • Confirmation biologique par dosage des dérivés des catécholamines urinaires.
  • Imagerie surrénalienne (TDM, IRM) pour localisation et bilan d'extension.
  • Évaluation cardiovasculaire systématique : ECG, échocardiographie, recherche d'HVG ou de cardiomyopathie liée à l'excès catécholaminergique. (35)
b. Phase préopératoire

Avant tout geste chirurgical, la prise en charge est centrée sur la stabilisation hémodynamique :

  • Blocage α-adrénergique progressif progressif par doxazosine(, Xatral) pendant 10–14 jours pour prévenir les crises hypertensives peropératoires (36) associé à des IC bradycardisants.
  • Une fois la PA stabilisée, introduction d'un bêtabloquant (propranolol ou métoprolol) en seconde intention pour contrôler la tachycardie, jamais avant le blocage α, afin d'éviter une crise hypertensive sévère.
  • Hydratation adaptée et correction du volume plasmatique pour prévenir l'hypotension post-opératoire.
c. Phase post-opératoire et suivi
  • Surveillance tensionnelle rapprochée (souvent par MAPA répétée) pour détecter une persistance d'HTA ou une hypotension de rebond.
  • Réévaluation biologique (métanéphrines urinaires) à 4–6 semaines pour confirmer la rémission.
  • Suivi cardiologique prolongé, compte tenu du risque de cardiomyopathie catécholaminergique réversible.

Synthèse pratique

La MAPA joue un rôle central dans la détection des formes paroxystiques d'HTA secondaires.

Chez Mme Y. I, elle a permis :

  • • D'objectiver des poussées hypertensives majeures et intermittentes,
  • • De caractériser une variabilité tensionnelle extrême,
  • • De soutenir le diagnostic de phéochromocytome, orientant vers le bilan hormonal et l'imagerie surrénalienne.

Son utilisation systématique devant toute HTA symptomatique et discordante est désormais recommandée par les ESC 2024 et l'Endocrine Society 2023, confirmant la MAPA comme un outil de dépistage non invasif et prédictif dans la démarche diagnostique des PPGL.

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